Paroles de Montagnard·e·s : Florence Chirié - gérante du gîte Le Grand Rochebrune à Souliers (Queyras)
Rencontrée cet hiver lors d'un beau tour du Pic de Rochebrune, Florence vit en et avec la montagne au sein du gîte Le Grand Rochebrune, voici ses paroles de montagnarde...
Quel a été votre cheminement pour vivre aujourd'hui à la montagne ?
Je ne suis pas à proprement parlé « une enfant du pays ». Je suis née et ai grandi en ville, mais ai eu la chance énorme d’avoir toujours eu un pied à terre familial dans un hameau très isolé du Queyras, que j’ai beaucoup fréquenté. Ce lieu fait partie de ceux où je me suis toujours sentie libre, protégée, et stimulée par l’environnement. C’est par cet endroit que j’ai commencé à travailler en refuge dans le massif.
Première expérience de travail, puis job d’été régulier, peu à peu ce métier est devenu plus que ça : une nécessité absolue, chaque année, de remonter en alpage, de couper avec la publicité, les supermarchés, la frénésie citadine. La nécessité aussi d’un repli sur soi temporaire, un temps de repos intérieur. De me sentir faire partie d’un tout, des crêtes, de l’odeur de l’herbe alpine, d’une vie rythmée par le soleil.
Avant de reprendre un gîte d’étape avec mon compagnon, je cumulais donc deux métiers, celui de monteuse de film documentaire et celui d’aide gardienne l’été. Par une succession de circonstances, nous avons eu l’occasion de reprendre le gîte d’étape que nous tenons aujourd’hui.
Est-ce le métier qui nous a amené à vivre en montagne ou l’inverse ? Les deux à la fois !
Quel est votre quotidien en montagne ?
Pas tout à fait l’image idyllique d’une vie libre ou oisive d’Heidi dans la montagne, contrairement à ce que beaucoup de gens imaginent.
Mon quotidien est fait de contraintes, de fatigues, d’efforts physiques aussi, et d’endurance. Les journées de travail sont longues et ne laissent pas de temps pour soi. Cuisine, ménage, plonge, service, accueil, comptabilité, commandes, administratif, jardinage, charcuterie… Mon quotidien est très diversifié et paradoxalement, je ne côtoie la montagne parfois moins que mes clients la côtoient. Mon rôle ici est de permettre aux personnes qui ne vivent pas là à l’année de pouvoir s’y sentir bien. Mais entre deux périodes d’ouverture, je profite !
Les saisons ont pris une importance énorme dans ma vie ici. La neige reste environ 6 mois, elle change mon quotidien (déneigement, livraisons, lumière, bois de chauffe…) Les premiers signes du printemps sont magiques, tellement précieux après le long hiver ! Ce qui change aussi, c’est que même si une grande partie de mon travail s’effectue en intérieur, j’ai la sensation d’être tout le temps dehors ! Et je ne changerais ça pour rien au monde !
Comment voyez-vous le ski de randonnée dans 10 ans ?
Mon expérience est très récente, je n’ai pas le recul de quelqu’un qui pratiquerait ou vivrait ici depuis longtemps.
Si je compare avec l’époque de mes grands-parents, le ski de rando s’est clairement démocratisé, il est même devenu une pratique très prisée. Les jeunes générations s’en sont emparées, elles ont soif d’aventures hors sentiers, et vieux briscards et jeunes montagnards se côtoient sur les bancs de notre gîte, et tant mieux !
J’imagine que le matériel ne cessera pas d’évoluer, de se perfectionner, par contre les marches d’approches les skis sur le sac risquent fort de s’allonger… ! Je pense que l’industrie du tourisme de montagne va être forcée, tôt ou tard, de s’adapter au changement climatique. Le ski de rando va forcément pâtir du manque de neige, mais a encore quelques belles années devant lui !
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